À vouloir plaquer sur l’Autre tes ressentis, tes intentions et tes modes de fonctionnement, tu empêches la rencontre avec des espèces qui ne te ressemblent pas. Or, parce qu’elles ne te ressemblent pas, ces espèces sont d’autant plus enrichissantes qu’à les percevoir pour ce qu’elles sont, elles peuvent provoquer un décentrement en toi. Autrement dit, tu as plus à apprendre des arbres en les considérant comme une pure altérité qu’en leur prêtant des sentiments et une intelligence humaine. Non, les arbres ne parlent pas à leurs voisins. Ils utilisent des canaux de communication qui t’échappent, sur lesquels tu es tenté de plaquer une intention et, de là, imaginer un dialogue et des concertations pour organiser la survie de la forêt. La parole articulée t’est caractéristique, si loin des messages physico-chimiques des végétaux et champignons. La vérité, c’est qu’à faire le monde à ton image pour mieux le comprendre et t’y sentir rassuré, tu le rétrécis. Ne regarde pas par le mauvais bout la lorgnette.

L’enjeu de l’époque est moins d’humaniser le reste du vivant (ce qui revient à rester dans l’illusion en ramenant tout à toi) que de te “renaturer”, c’est-à-dire retrouver une place sereine dans un Tout dont tu n’es qu’une infime partie. Et rassure-toi. Tu partages avec le reste du vivant de quoi composer un monde commun. Non pas parce que les autres espèces te ressemblent, mais bien en raison du fait que, étant arrivé après, c’est toi qui leur ressembles. Ce besoin en oxygène, en eau, cette interdépendance avec ton milieu, la soumission à des cycles parfois cosmiques, souvent terrestres, la mort qui te guette, cet élan vital qui t’anime, ces gênes que tu portes et qui veulent être transmis…

Si tu veux tenter de te rapprocher du réel, évite tant que faire se peut le piège de l’anthropomorphisme. Ne pars pas de toi pour explorer le reste du vivant. Retrouve la nature en toi.

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