Je regarde le ciel et les nuages passer. Sur les surfaces bleue et blanches effilochées dansent des points noirs comme de minuscules moucherons-pastilles.
Petit, je cherchais à les suivre des yeux et m’énervais de les voir fuir mon regard. À peine tournais-je les yeux vers la gauche pour en suivre qu’aussitôt il accélérait pour sortir de mon champ de vision dans la même direction. Je n’étais pas assez rapide pour le coincer du regard. Mais sitôt mes pupilles revenues à leur point de départ, le voilà qui, lentement, rebroussait chemin et me narguait avant de fuir de nouveau si mes yeux cherchaient à se poser dessus. Jamais je ne pus en diostinguer un avec précision et dus finalement me résigner à les entrapercevoir du coin de l’oeil sans me focaliser dessus, points noirs, gris ou translucides à la dérive sur l’immensité du ciel.
Petit, je croyais avoir ainsi accès au monde des fées, minuscules entités se laissant deviner à qui acceptait de ne pas les dévisager. Plus grand, j’appris qu’à la surface de mes yeux flottaient en fait, dans le vitré, ce gel visqueux et transparent situé entre le cristallin et la rétine, de petits amas appelés myodésopsies. Je me rends compte en l’écrivant à quel point cela sonne moins poétique que la vision du petit garçon croyant déceler des fées. Pourtant, cette transmutation du regard convertit un univers surnaturel et extérieur à moi en des manifestations naturelles qui me sont propres. Je ne les en trouve pas moins merveilleuses. Parce qu’elles me rappellent que je suis vivant, complexe, composite, que tout ce dont je suis fait s’agence sans même que j’y pense. C’est le spectacle de mon existence que j’entraperçois du coin de l’oeil. Ces points et filaments qui dansent devant moi dansent en moi. Le monde danse en moi comme je danse dans le monde. Cela vaut bien de renoncer aux fées.
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