Tant de gens aujourd’hui disent aimer la nature. Mais combien sont-ils à connaître la nature autour d’eux ?  

Voilà l’un des paradoxes de l’écologisme moderne : se concentrer si fort sur le global, une idée abstraite du monde, qu’on en oublie le local.

Loin de moi l’idée d’affirmer qu’il faudrait moins s’intéresser au global. Je suggère au contraire de prendre exemple sur l’arbre : s’il peut partir à l’assaut du ciel, c’est bien parce que ses racines explorent le sol toujours plus loin.

S’enraciner.

À ce sujet, Simone Weil affirmait :

   “L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. (…) Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie.”

S’intéresser aux lieux que nous habitons. Aux gens, à la faune et à la flore avec qui nous cohabitons. À notre territoire. À ce morceau de planète auquel nous ne prêtons plus guère attention depuis que l’on nous pousse au nomadisme professionnel, depuis que les mêmes enseignes ont envahi et défiguré entrées et cœur de villes. N’est-ce pas le but même de la globalisation que d’uniformiser afin que vous vous sentiez chez vous sur l’ensemble de la planète ?

Retrouver les spécificités gommées. Déterrer le caractère unique de votre territoire. Devenir son intime. Réaliser que tout est lié.

Comment pourrions-nous défendre l’idée d’interdépendance des espèces à l’échelle de la planète, si nous ne sommes pas capables de la percevoir là, sous nos yeux ?

De quel bassin versant, de quels cours d’eau la vie votre région dépend-elle ? Quelle roche occupe le sous-sol ? Quels sont les matériaux de construction traditionnels de votre territoire ? Qui en étaient les premiers habitants ? Où pouvez-vous entendre le brame du cerf ? Et voir voler des libellules ? Où vont-elles s’abreuver ? Que mangent-elles ? Connaissez-vous les plantes sauvages comestibles du coin ? Celles qui sont toxiques ? Quelles légendes locales se racontaient les anciens au coin du feu avant la télévision ? Comment s’amusaient-ils les jours où ils ne travaillaient pas ? Quels drames ont jalonné l’histoire de ce lieu ? Ont façonné sa morphologie ?

   “Je ne sais pas s’il est possible d’aimer la planète ou non, mais je sais qu’il est possible d’aimer les lieux que nous pouvons voir, toucher, sentir et occuper,” a dit l’écologiste David Orr.

Regardons. Touchons. Sentons. Occupons.

Parce qu’il nous faut agir pas après pas, aimer la planète commence par en aimer un petit bout.

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